Elevage des abeilles noires
Remarque: Etant donné le manque de recul suffisant (Il s’agit seulement de ma 2ème année d’exploitation), le plan de sélection détaillé ci-dessous ne bénéficie pas encore de résultats concrets et quantifiables. Il s’agit plus pour l’instant d’une planification basée sur des données théoriques et sur les retours d’autres apiculteurs éleveurs. Toutes les remarques qui permettront d’améliorer ce plan de sélection sont d’ailleurs les bienvenues !
Caractéristiques générales recherchées
Une particularité ancestrale de l’abeille noire endémique tient de son statut d’espèce ‘semi-domestique’ : Elle peut vivre dans des cavités naturelles et assurer ses fonctions écosystémiques (e.g. pollinisation) de manière autonome sans aucune intervention humaine, mais elle peut tout aussi bien être élevée en ruches par les apiculteurs qui en tirent une production et des revenus économiques. C’est cette faculté à l’autonomie qui est menacée par la disparition de l’abeille noire au profit de lignées réputées plus productives ou plus douces mais associées à des pratiques de plus en plus interventionnistes (nourrissements complémentaires, transhumances, traitements sanitaires…). Mon plan de sélection des lignées génétiques noires est conçu de manière à reproduire préférentiellement les colonies qui passent le mieux l’épreuve de l’autonomie.
Caractères sélectionnés et testage des colonies
Les colonies testées sont évaluées durant la première année de production (après leur premier hivernage) pour chacun des caractères listés ci-dessous et obtiennent un indice de performance annuel (moyenne des évaluations pondérée proportionnellement au niveau de priorité de chaque caractère). Pour départager les meilleurs colonies j’établis un indice de performance global qui combine les indices de performance annuels sur plusieurs années de testage, mais également les résultats de testage généalogique, c’est-à-dire issus des évaluations des colonies de la descendance.
1 - Morphologie alaire et couleur de l’abdomen conforme à la sous espèce A. mellifera mellifera. Ces aspects de biométrie font partie du cahier des charges des conservatoires de l’abeille noire défini par l’ITSAP (0). Ils ont pour objectif d’évaluer, afin de le limiter au maximum, le niveau d’introgression d’allèles en provenance d’autres sous-espèces (lignées évolutives C, O, A et Z). Ces mesures sont effectuées avec le système expert d’analyses morphométriques « Apiclass » (0) .
2 - Capacité à hiverner sans nourrissement complémentaire. Il s’agit de la caractéristique fondamentale de l’abeille à miel des climats tempérés. Pendant des millions d’années, la quasi-totalité des colonies qui ont laissé une descendance ont eu en commun le fait d’avoir réussi l’épreuve du premier hivernage. C’est la raison même de la capacité des abeilles à produire du miel en grande quantité. Or depuis quelques décennies, en les nourrissant pendant l’hiver, les apiculteurs permettent chaque année à une proportion grandissante de colonies inaptes à hiverner en autonomie, de quand même diffuser leurs gènes dans les générations suivantes.
La capacité à hiverner sans nourrissement complémentaire est la résultante de deux caractéristiques distinctes : la capacité à stocker suffisamment pendant la saison favorable, et la capacité à l’économie pendant la saison froide (aussi appelé ‘sens de l’épargne’). Je ne teste que la capacité à hiverner dans son ensemble, faisant l’hypothèse que les colonies qui passent l’épreuve sont suffisamment performantes à la fois pour le stockage et pour l’économie.
3 - Résistance aux maladies du couvain. Ce caractère à une incidence directe sur la vitalité des colonies. L’évaluation est basée sur la mesure des fréquences d’apparition et l’intensité des syndromes de loque Européenne, de loque Américaine, et de Mycoses dans le couvain.
4 - Faible sensibilité au varroa. A de rares exceptions près (lignées VSH) les colonies d’A. mellifera mellifera n’ont pas encore la capacité à résister à Varroa destructor en l’absence de traitement. Cependant il existe une variabilité entre les colonies dans la sensibilité au varroa, qui se traduit par des différences dans la dynamique de croissance du parasite entre deux traitements. Une faible sensibilité des colonies ne permet pas de se passer de traitements mais limite la baisse de vitalité et de production pouvant découler d’un épisode de forte infestation au niveau local ou régional. Une faible sensibilité permet également que l’oubli occasionnel d’un traitement anti-varroa sur une colonie ne lui soit pas fatal. Le niveau de sensibilité est évalué par des comptages réguliers du nombre de varroas phorétiques au cours de l’année.
5 - Production de miel en hausse. Le classement de ce caractère en 5ème position peut sembler paradoxal dans un plan de sélection d’un animal utilisé pour produire du miel. Mais le contexte général de disparition des lignées d’abeilles noires justifie de revoir nos priorités : les colonies doivent d’abord avoir la capacité d’exister et de survivre en autonomie. C’est seulement une fois ce minimum assuré que la possibilité d’une récolte par l’apiculteur peut être envisagée. L’évaluation considère uniquement le poids de miel récolté dans les hausses. Le miel stocké dans les éléments de corps n’est pas comptabilisé puisqu’il est directement corrélé (et donc déjà pris en compte) au 2ème caractère testé : la capacité à hiverner sans nourrissement.